Après avoir traversé rapidement la Tanzanie, nous entrons au Rwanda avec l’intention d’y prendre un peu plus notre temps. Mais avant toute chose, il faut laver la voiture ! Cela n’a pas été fait depuis bien trop longtemps et la boue s’accumule un peu partout. Évidemment, nous sommes la curiosité de la journée !
Direction ensuite le parc national d’Akagera. Sur la route, beaucoup de monde : le Rwanda est le pays le plus dense d’Afrique, avec 15 millions d’habitants sur un territoire plus petit que celui de la belgique. Résultat : lorsque nous nous arrêtons pour pique-niquer au bord de la route, nous sommes vite rejoints par 1, puis 2, puis… 40 petits curieux qui nous regardent.
Le pays est très vallonné. Il n’est pas surnommé le « pays aux mille collines » pour rien. De nombreux habitants se déplacent à vélo et transportent bidons d’eau, bananes ou parfois même des meubles. Dans les montées, il faut pousser, et dans les descentes, retenir des vélos qui dépassent sûrement les 100 kilos.
Nous arrivons aux portes du parc national et, afin de commencer la visite de bonne heure, nous dormons à proximité de l’entrée, dans un petit centre communautaire géré par John, sous un arbre rempli de tisserins construisant leurs nids. John est issu d’une famille pauvre du village. Pour aider les siens, il a commencé à travailler à l’âge de 11 ans (en 2003) dans le parc, comme houseboy auprès des rangers. Il a ensuite souhaité reprendre l’école primaire en parallèle de ce travail. Chaque matin et chaque soir, il parcourait à pied les 7 km qui le séparaient de l’école. Plus tard, il a créé ce centre communautaire afin d’aider sa communauté : création d’une école, formations dans le tourisme, l’art, l’agriculture…
Nous entrons dans le parc dès son ouverture, à 6 h. Le prix est assez élevé, alors nous comptons bien en profiter au maximum pendant les deux jours que nous y avons prévus. Le parc a une histoire mouvementée : les animaux ont beaucoup souffert de la colonisation, puis de la guerre civile et du braconnage. Plusieurs espèces disparues ont été réintroduites, notamment les rhinocéros, les lions et les girafes.
Le parc est frontalier avec la Tanzanie et comprend plus d’une dizaine de lacs. Rien qu’avec les paysages, nous en prenons plein les yeux.
La première partie du parc ne nous enchante pas trop : la végétation est très dense et l’observation des animaux s’avère difficile. Quelques babouins sur les routes, puis en prenant un peu de hauteur, nous apercevons plusieurs aigles.
Retour ensuite en contrebas vers l’un des lacs, juste le temps d’apercevoir un hippopotame hors de l’eau, mais pas pour longtemps.
Puis, au détour d’un virage, quelques éléphants prennent leur bain de boue : un spectacle toujours fascinant.
Le clou de la journée arrive juste avant la pause déjeuner : plusieurs lions font la sieste à l’ombre, près d’une carcasse de buffle. La plupart sont un peu loin ou cachés derrière des arbres, mais un superbe mâle est quasiment sous notre nez. Et la chance nous sourit : il n’est pas complètement endormi.
Nous sommes décidément très chanceux, et ce n’est pas fini, puisque deux rhinocéros se promènent non loin de nous.
En fin d’après-midi, nous décidons de retourner voir les lions, peut-être seront-ils plus actifs. Mais manque de chance, ils sont partis. L’orage de la mi-journée les a-t-il incités à mieux s’abriter ? La carcasse de buffle est désormais prise d’assaut par vautours et aigles.
La nuit approche ; direction le camping, puisqu’il n’est pas autorisé de circuler de nuit. Celui-ci est situé sur le point le plus haut du parc, offrant de jolies vues sur les lacs et un magnifique lever de soleil.
Pour cette seconde journée, départ aux aurores. Nous croisons rapidement quelques zèbres et girafes.
Alors que nous progressons vers la partie la plus au nord du parc, nous sommes assaillis par une horde de mouches tsé-tsé : vite, fermons les fenêtres ! Elles sont attirées par le mouvement, la chaleur et le bruit, et il y en a parfois une centaine autour de la voiture en roulant. Heureusement, une fois à l’arrêt et le moteur coupé, il suffit d’attendre quelques minutes pour que la plupart s’éloignent.
Nous arrivons dans la plaine de Kilala. Et là, le spectacle est grandiose : la vue est dégagée et les animaux sont présents en nombre. Troupeaux de buffles et d’impalas, topis, et surtout de nombreux rhinocéros : jusqu’à une vingtaine en même temps ! Nous nous installons pour le pique-nique au bord de la piste afin de profiter de ce moment incroyable.
En plein milieu de la journée, une hyène passe même à quelques dizaines de mètres de nous, ce qui est assez surprenant : ces animaux s’observent plus souvent la nuit ou au lever et au coucher du soleil.
Pour couronner le tout, de l’autre côté de la plaine, sept lions sont en pleine sieste au milieu des hautes herbes. Nous passons la majeure partie de l’après-midi à leurs côtés en espérant qu’ils s’activent un peu ; les buffles ne sont pas loin, sait-on jamais…
Mais la chasse sera pour plus tard. Il est presque 18 h et l’heure de sortir du parc approche. Nous les quittons à regret et prenons la direction de la sortie. En chemin, deux grues couronnées grises, puis encore quelques rhinocéros. Décidément, le spectacle se poursuit jusqu’au bout !
Conclusion ? Ce parc fut incroyable, sans doute l’un de nos trois préférés en Afrique. La plaine de Kilala, au nord de la réserve, est magique, et voir autant de rhinocéros au même endroit restera un souvenir inoubliable.
Nous dormons juste à la sortie du parc, en bordure d’un champ. Nous sommes réveillés de bonne heure par quelques vaches qui se frottent à la voiture, puis prenons la route vers Kigali, la capitale. Nous y visitons le mémorial du génocide, divisé en plusieurs parties. D’abord, un résumé de l’histoire du Rwanda, de sa colonisation par les Allemands, puis par les Belges, ainsi qu’une explication de la différence entre Hutus et Tutsis : elle est principalement sociale, et non ethnique. Il était possible de passer de Hutu à Tutsi, ou inversement. Ce sont les Belges qui ont défini des critères d’appartenance à l’une ou l’autre catégorie. Par exemple, posséder dix vaches ou plus faisait de quelqu’un un Tutsi. Des anthropologues ont également établi des critères physiques, créant ainsi des différences au sein d’un peuple qui n’en avait pas.
Vient ensuite la chronologie du génocide : la propagande de ses instigateurs, l’inaction de la communauté internationale, et le rôle de la France. Nous traversons ensuite trois salles : l’une présente des vêtements retrouvés dans les fosses où ont été jetés les corps ; la seconde contient les crânes et les os des victimes, dont beaucoup portent encore des traces de coups ; la dernière est remplie de 2 000 photos de Rwandais morts durant le génocide. Un nombre incroyablement faible, quand on sait qu’il y aurait eu entre 800 000 et un million de victimes.
L’étage comprend d’autres salles tout aussi marquantes. La première présente le portrait d’une dizaine d’enfants, massacrés pour avoir la mention « Tutsi » sur leur carte d’identité. Sous chaque portrait, un court descriptif indique leur âge, leur plat préféré, leur jeu préféré, et la manière dont ils ont été tués. Nous terminons par une salle évoquant d’autres génocides de l’histoire : les Herero en Namibie, l’Holocauste, le Cambodge, le Kosovo.
Nous sortons ensuite dans les jardins du mémorial, où les photos sont autorisées. Nous passons devant les tombes où reposent les ossements de 250 000 victimes.
Le lendemain, nous visitons un autre lieu lié au génocide : le mémorial des soldats belges. Le 7 avril 1994, un commando de soldats belges, missionné pour escorter la Première ministre au siège de Radio Rwanda, est capturé. Dans le même temps, une rumeur circule selon laquelle ce commando aurait abattu l’avion présidentiel transportant les présidents rwandais et burundais. La situation devient incontrôlable. Les soldats belges parviennent à se réfugier dans un bâtiment et à résister quelques heures, mais succombent finalement aux attaques des soldats rwandais. Dix stèles sont érigées en leur mémoire, juste en face du bâtiment où ils s’étaient retranchés.
Au-delà de ces sites historiques, Kigali reste une ville agréable. La circulation est dense, mais la ville est extrêmement propre, comme l’ensemble du pays. C’est le résultat d’une politique stricte : travail communautaire mensuel pour le nettoyage, législation très sévère sur les déchets (sacs plastiques interdits, amendes en cas de jet de détritus), et présence de trottoirs et de caniveaux fonctionnels. À ce sujet, et d’après notre expérience dans d’autres pays africains, le Rwanda fait figure d’exception.
Nous quittons Kigali pour visiter un autre mémorial du génocide, à Bisesero. C’est un lieu emblématique de la résistance tutsie, où reposent près de 50 000 corps.
Nous prenons ensuite la direction de l’ouest du pays, vers les rives du lac Kivu. La route serpente à travers les collines, et le lac marque la frontière entre le Rwanda et la RDC voisine. Nous arrivons à Kibuye sous un orage ; lorsque le soleil réapparaît, le décor est impressionnant.
Nous passons deux jours au bord d’une piste face au lac, l’un des rares endroits du Rwanda où nous avons pu bivouaquer tranquillement.
Sur la rive se dresse une curiosité : le château Marara, un hôtel de luxe construit par des Français.
De nombreux expatriés vivent dans la région, et l’on comprend pourquoi. Comme Xavier, un ancien militaire belge, installé ici avec sa femme Joséphine, née dans la région. Nous sommes invités chez eux pour l’apéro de 14 h, puis pour le petit-déjeuner du lendemain, ce qui nous permet aussi de profiter de la vue depuis leur terrasse.
Toutes les bonnes choses ayant une fin, nous quittons ce havre de paix pour continuer vers le nord, toujours le long du lac, puis vers l’est et la ville de Musanze, porte d’entrée du parc national des Volcans. Nous nous contenterons d’admirer les volcans de loin, car les tarifs sont élevés : 100 $ pour l’entrée du parc, auxquels s’ajoutent entre 75 et 200 $ pour une randonnée. Quant aux gorilles de montagne, principal attrait du parc, le permis coûte 1 500 $ par personne.
C’est au bord du lac Ruhondo que nous nous installons pour deux jours, en attendant nos visas ougandais. Vue sur les volcans, baignade dans le lac..
Nos visas reçus, nous prenons la route vers la frontière, non sans faire un petit détour par une fabrique de thé. Nous y apprenons les différents processus de la fabrique de cette boisson, de la réception des feuilles à l’empaquetage. Ainsi que la différence entre thé vert et thé noir : il s’agit simplement d’une différente oxydation des feuilles.
Puis un dernier bivouac relativement calme, avant de quitter ce pays que nous avons adoré : un parc exceptionnel, des paysages vallonnés à perte de vue, des habitants très accueillants et… du fromage !
